J’ai eu l’occasion sur ce blog d’aborder à de multiples reprises l’arrivée de la télé interactive : l’arrivée de GoogleTV a permis de ressortir de nombreuses envies, idées, et je sais que de nombreuses startups sont sur les rangs pour proposer dans les mois qui viennent des applications qui permettront de voir son téléviseur d’un oeil….différent.
Mais tout cela, c’est de l’autre côté de l’atlantique ! La GoogleTV n’est annoncée que courant 2011 en Europe, et avec une logique de déploiement pour l’instant un peu floue (et qui sera sans doute pour bonne partie dictée par le retour d’expérience de la “première vague” américaine). Cela veut il dire que la France est en retard ?
Les “Box” : une particularité Française ?
Si vous vous baladez aux Etats-Unis, vous serez en tant que Français sans doute étonné par le décalage avec l’équipement Internet dont nous disposons sur nos terres : les “box” conçues par les fournisseurs d’accès, proposant de multiples fonction de triple voire quadruple-play permettent des perspectives importantes en terme d’usages. Free, un des providers les plus actifs ici, propose, via la FreeBoxHD, des fonctions interactives allant du jeu sur sa TV jusqu’à la catchup-TV, en passant par des fonctions d’enregistrement en différé.
Rien de tel aux Etats-Unis, où les accès Internet sont… des accès à Internet. Cette situation moins avancée permet, paradoxalement, d’ouvrir un boulevard à des solutions “à la GoogleTV”, puisque le besoin est plus important.
Cette situation me rappelle un peu celle du Minitel il y a quelques années : dans les années 80, les Français se sont retrouvés avec un outil dont la rusticité fait sourire aujourd’hui, mais qui apportait une vraie valeur ajouté à l’époque. Pour la première fois, M. Toutlemonde pouvait accéder à des services interactifs, lui permettant de réserver des billets de train, de passer une commande auprès d’un VPC, de consulter l’annuaire, de draguer en ligne… Pour un coût d’accès nul, puisque le terminal était subventionné par l’opérateur.
Paradoxalement, cette avance réelle (il n’y avait pas d’équivalent partout ailleurs dans le monde) est devenu un handicap lorsqu’Internet est arrivé. Même si la France a rattrapé depuis son retard, il y a eu au milieu des années 90 une vraie période de latence, où nombreux étaient les acteurs qui s’accrochaient à leur juteux Minitel. Le virage a bien sûr été pris depuis, mais quelques mois, voire années, ont été perdus en hésitation et en projets d’améliorations du Minitel qui ont été autant d’impasses.
Va t’on revivre ça avec l’arrivée de GoogleTV en Europe ? La situation est un peu différente au sens où là où l’arrivée d’Internet dans les années 90 était un virage absolument incontournable, celle de GoogleTV n’est qu’autour d’un produit, dont on ne connait pas encore le succès et l’importance, même si beaucoup s’accordent à dire qu’il ouvre la voie à une grande tendance à venir. Mais le parallèle entre les Box françaises et le Minitel mérite d’être fait, au moins pour tirer les leçons du passé : comment les providers Français vont ils réagir ? Quel accueil le public fera à la Google TV, sur un territoire ou une bonne partie des besoins sont certes popularisés, mais aussi également…déjà couverts. Pas de réponse pour l’instant, même si la seule certitude est assez excitante : les applications autour de la TV vont énormément progresser en 2011 !
Catch me if you can
Dire que la TV “de papa”, broadcastée autour d’une grille de programmes figée, a vécu est un peu prématuré, mais force est de constater que de plus en plus de téléspectateurs utilisent les services de Catch-up TV. Le principe : la possibilité de revoir, sur son ordinateur, un programme déjà diffusé, pour pouvoir en bénéficier à n’importe quel moment, dans les 7 jours suivant la diffusion. Pluzz pour France Télévisions, M6Replay, Arte+7, la France se présente une fois de plus parmi les plus actifs en ce domaine.
Même si tout n’est pas parfait (tous les programmes ne sont pas ainsi disponibles), ces services ont rapidement été adoptés : c’est la TV qui s’adapte à votre emploi du temps, et plus l’inverse. Un vrai changement du mode de consommation, plus adapté aux contraintes de la vie moderne. Et, pour une fois, avec les acteurs “historiques” qui sont pleinement partie prenante et acteurs de ce virage. Tout n’est pas simple (par exemple : le fait de donner le choix du programme rend plus difficile la “proposition” de nouvelles émissions, là où les grilles de programmes classiques les imposaient), ce qui risque d’amener de nouvelles évolutions dans les mois à venir, s’appuyant là aussi sur le paradigme de la TV interactive :
- Le maillage de réseaux sociaux autour des programmes TV, avec des outils de recommandation, de sélection et de mise en avant de contenus par votre communauté
- L’arrivée du catch-up TV… sur la TV, comme la FreeBoxHD commence à le proposer.
Cette interaction, les TV françaises sont déjà en train de la conquérir : le ou les community manager de France Télévisions sont très actifs, avec une activité impressionnante sur Twitter, où l’expérimentation et les dialogues sont nombreux. Vous pouvez suivre par exemple le compte @francetvdirect qui propose aux twitter de commenter avec eux les grands événements des chaînes du groupe. Lorsque l’interactivité aura rejoint les plateformes de catch-up TV et que le tout formera un ensemble cohérent, on obtiendra un nouveau média, inédit, reprenant le meilleur de ce qui se fait à l’heure actuelle. Et la France semble le terrain idéal pour aller vers ça.
Alors, la France, en avance ou en retard ?
Même s’il est difficile de se prêter à l’exercice de la boule de cristal, il sera très intéressant de voir comment la France va “digérer” l’arrivée de la TV interactive, après avoir plutôt bien intégré les “vagues” précédentes (les smartphones, les tablettes…). Passionnant rapport de force où tous les acteurs sont très actifs :
- Les acteurs historiques, bien décidés à ne pas être à la traine et à s’imposer au plus tôt sur ces nouveaux supports, et qui ont déjà lancé des actions et une présence en ligne impressionnante
- Les fournisseurs d’accès, qui se sont engagés depuis déjà longtemps dans une fuite en avant technologique, et qui paufinent les nouvelles versions de leurs “box”
- Et bien sûr Google, et l’écosystème qui se forge autour de la GoogleTV, bien décidé à amener un AppStore et tout son savoir faire en terme de contenu
Sans oublier tous les autres, déjà présents sur le web ou ailleurs dans les nouveaux médias : la TV perd petit à petit son statut de “support” à part, et va s’intégrer dans une écosystème où supports et médias vont s’entrecroiser, pour converger vers toujours plus de contenu et de profiling utilisateurs.