J’ai eu l’occasion, pile le jour de la sortie de la fameuse iPad (tiens d’ailleurs, on en parle au masculin, mais le nom se prête bien à un usage féminin, non ?), de faire un rapide tour d’horizon des applications de presse et magazines, histoire de voir si l’iPad sera vraiment le sauveur de la presse (mode presque pas ironique).
Premier constat : lire sur une tablette est relativement agréable
C’était bien sûr ma plus grosse crainte, et le prérequis indispensable : pour qu’un usage soit adopté, encore faut il qu’on y prenne un peu de plaisir ! Et c’est plutôt réussi, de ce point de vue. On pourra arguer à juste titre que la tablette est encore un peu lourde en main, mais, et c’est le plus important, le “ressenti” qu’on peut avoir est relativement proche de celui d’un journal papier. Bien sûr, tout est relatif et subjectif, et certains resteront choqués à l’idée d’abandonner le relationnel très “charnel” qu’ils peuvent avoir avec le papier. Pour mon strict avis personnel (et je suis très consommateur de presse), c’est plutôt réussi.
Les 1001 façons d’afficher un journal sur un écran
Les applis que j’ai pu tester sont un mélange de plusieurs facteurs :
- Le temps : concevoir une appli correcte était un vrai sprint pour les éditeurs, qui voulaient être sur les rangs dès le premier jour. Et ça se sent : les applis sentent vraiment la peinture fraîche, nécessiteront pas mal d’ajustement, et surtout, malheureusement de débuggage ; la stabilité n’est vraiment pas au rendez vous, et c’est bien dommage.
- La technique : les contraintes techniques sont assez fortes, ceux qui ont, par exemple, fait le choix d’un affichage issu d’un fichier .PDF se sont privés de la plupart des éléments d’interactivité qui font l’intérêt d’une appli sur tablette
- L’IHM : tout est à inventer sur un nouveau média, et c’est bien ce qui fait l’intérêt de la chose 🙂
J’ai donc pu différencier différents types d’applis :
- Certaines, comme “L’équipe”, sont vraiment minimalistes : une enfilade de PDF avec un effet de type “pageflip”. Aucune interactivité sur les pages, et, plus grave, pas de zoom particulier sur les articles : on peut simplement agrandir le document.
- D’autres, comme Le Figaro, ou le New-York Times, ressemblent finalement plus à des sites web qu’à un journal, avec une interface “reconstruisant” complètement une mise en page à partir de textes d’articles. Cette mise en scène permet de mettre en place toutes les interactivités que l’on peut imaginer, mais, je trouve, s’éloigne pas mal de ce qu’on attend d’un journal. Encore une fois, je me suis retrouvé avec la sensation d’aller sur un site Internet, plutôt bien foutu, mais sans réelle différenciation sur l’expérience utilisateur
- Le Monde ou les Echos ont tenté un mode hybride, relativement intelligent dans sa conception : un mix entre affichage de pages entières, vraisemblablement en PDF, et la possibilité de cliquer sur des articles pour passer dans un autre mode où le texte de l’article est isolé et reconstitué dans une fenêtre. Ce compromis peut apparaître comme idéal, mais a ses limites, techniques : l’affichage de la page entière, via une liseuse PDF, limite très fortement les interactivités, et le passage d’un mode à l’autre n’est pas toujours intuitif.
On peut mettre à part “l’OVNI” Wired, qui est à ce jour le seul à réellement présenter une “expérience” utilisateur innovante et aboutie. Difficilement descriptible, le mieux est de regarder une vidéo illustrant l’appli. On peut toutefois noter la navigation d’une page à l’autre, utilisant astucieusement les deux dimensions : scroller verticalement permet de lire un article dans toute sa longueur, alors qu’un scroll horizontal permettra de passer d’un article à l’autre (voire d’une pub à l’autre 😉 ).
L’appli Wired est donc extrêmement aboutie, et, même si son usage s’avère très différent de celui d’un magazine, apporte vraiment quelque chose. En revanche, je ne pense pas qu’un tel modèle soit facilement reproductible : il nécessite de toute évidence une implication extrêmement forte de la part de la rédaction. Logique pour Wired, magazine par et pour des geeks, bien plus improbable avec un acteur plus classique de la presse. Pour vous donner un exemple, toutes les pubs sont stockées avec deux mises en page différentes, portrait et paysage. L’idéal pour avoir une expérience optimale quelque soit le mode de visualisation, mais quel travail !
Alors, conclusion ?
Je ne vais pas parler ici des retombées financières éventuelles. Sur ce point là, une seule chose est sûre : il ne faut pas prendre ces applis comme une pompe à fric providentielle. Le succès sera peut être au rendez vous, mais pour atteindre cette étape, il faudra au préalable réellement penser son application en terme d’expérience utilisateur. Si elle apporte vraiment quelque chose, les consommateurs réagiront. Ou plutôt, en regardant les choses sous un autre angle : une appli mal conçue et n’apportant pas une “expérience” supérieure à celle d’une lecture papier n’aura quasiment aucune chance de succès.
On peut également se poser la question de l’intérêt d’une application face à une page web à la mise en page adaptée. C’est le point de vue de Fred Wilson, que je vous laisse découvrir.
Comme on pourrait le dire sur Facebook : un jour, l’iPad sauvera la presse. Mais pas aujourd’hui, aujourd’hui, c’est appli de barbu !