Richard Stallman, l’inventeur du logiciel libre, et l’évangéliste infatigable d’une autre façon d’envisager le développement logiciel, s’en va, par la petite porte, en démissionnant le plus discrètement possible de son poste au MIT, et surtout de la présidence de la Free Software Foundation, suite à un mini-scandale plus ou moins lié à l’affaire Epstein et aux tensions qu’amènent toutes ces affaires liées à la sexualité.
(sans chercher à m’aventurer sur un terrain glissant, disons juste que Stallman n’est pas accusé du tout d’agression sexuelle, mais d’une prise de position plutôt abrupte suite à une accusation portée sur un de ses défunts collègues).
Stallman est une légende dans le milieu du développement, car il a par sa personnalité et sa conviction, initié et personnifié à lui tout seul tout le mouvement du logiciel libre, incitant les développeurs et l’industrie informatique à lutter contre la notion même de licence logicielle en tant que propriété intellectuelle, considérant que l’oeuvre logicielle doit faire partie des biens communs, une sorte de patrimoine immatérielle de l’humanité.
De grands logiciels sont sortis de ce mouvement, dont Linux, Firefox… Le logiciel libre, et son pendant un peu plus politiquement correct l’open source, ont marqué, et continuent à marquer cette industrie.
Pourtant, je n’ai jamais considéré Stallmann comme étant le meilleur représentant possible du mouvement. J’avais écrit à ce sujet il y a quelques années, en argumentant que d’utiliser une personnalité aussi clivante n’était pas forcément la meilleure idée qui soit, lorsqu’il s’agissait de trouver une nouvelle force face à une industrie de plus en plus portée par le monde financier.
Le logiciel libre est depuis quelques années dans une situation assez paradoxale. Son influence n’a jamais été aussi grande, il suffit de regarder le nombre de logiciels faisant tourner Internet et le web aujourd’hui ; même Microsoft s’y met depuis quelques temps. Mais c’est comme si l’argent s’était éloigné de la notion de licence logicielle, pour se concentrer sur la vente de services, en SaaS, là où le code logiciel n’a pas à être libre ou non : il est de toute manière caché derrière des serveurs qui délivrent du service de manière commerciale, caché dans un territoire où ni Stallman, ni les autres ne peuvent intervenir.
Difficile de dire si le mouvement du logiciel libre, et la FSF, vont trouver un ton nouveau avec le départ de Richard Stallman. Mais le modèle économique du libre est un domaine qui reste passionnant, et fragile.