Depuis que je connais Twitter, j’entend ou je lis “la” question : comment monétiser un tel service ? Comment faire en sorte qu’une telle structure, proposant librement ses services et ses APIs pour des développements tiers peut elle devenir perenne ?
Je me suis fait l’autre jour la réflexion dans l’autre sens : on ne se pose jamais la question du “comment rentabiliser la chose” avec, par exemple, des serveurs DNS, ou, pour les plus anciens, les serveurs de newsgroups (je parle des vrais newsgroups, ceux dans lesquels on discutait et échangeait, pas des newsgroups binaires qui ne sont presque plus que des containers à fichiers téléchargeables plus ou moins légalement). Ces serveurs étaient considérés comme des “services publics”, avec des frais de structure partagés entre les acteurs du net. N’en serait il pas de même aujourd’hui pour le “tweet”, ou le message instantané, bref, le concept certes lancé (entre autre) par Twitter, mais qui aujourd’hui est devenu un média online à part entière, au même titre que le mail, le fichier, etc…
“Internet”, vous dites ? C’était vrai pour les mails par exemple. Il existe une multitude d’hébergeurs de serveurs de mails, mais tous doivent se conforter aux mêmes standards, au mêmes normes, et surtout à une parfaite interopérabilité. Il apparaîtrait aberrant qu’un mail envoyé depuis sa boîte Orange ne puisse parvenir à un destinataire titulaire d’un email Free, par exemple. Et pourtant, Orange et Free sont on ne peut plus concurrents. Tout ça parce que dans Internet, il y a “inter”, interopérabilité, ouverture, universalité du réseau (et aussi neutralité, mais c’est un autre débat 😉 ). Or, si le tweet devient une entité aussi banale que le mail (et on peut le souhaiter), il n’empêche qu’il restera quoi qu’il arrive propriété de la société Twitter, sur des bases de données Twitter, bref sur un système fondamentalement propriétaire et clos, même si bien sûr les APIs permettent une grande interactivité. On peut aller jusqu’à penser au plus improbable : que se passerait il si Twitter faisait faillite ?
Plus embêtant, et qui m’a motivé à écrire cet article : et si Twitter change les règles du jeu ? Là, ce n’est pas de la science fiction puisque c’est arrivé il y a quelques jours : Twitter a annoncé d’un coup qu’il bannirait tout contenu publicitaire injecté par une plateforme externe. D’un point de vue “utilisateur”, je pourrais être relativement satisfait (pas trop envie de me coltiner de la pub!), mais il ne faut pas se leurrer : si Twitter bloque cette possibilité, c’est essentiellement pour se garder le terrain en mode “chasse gardée”. Même si cela condamne d’autres startups au passage qui tentent de s’accrocher à l’écosystème Twitter, qui est de plus en plus bousculé ces temps-ci…
Plus grave encore, pub ou pas, l’anecdote montre surtout qu’il y a un vrai paradoxe entre faire “rentrer le tweet dans nos vies numériques”, et d’un autre côté laisser une société commerciale avoir droit de vie et de mort sur ce média. Les décisions que Twitter prendra ne seront pas toujours “en faveur de l’utilisateur”, mais parfois (souvent ?) en faveur…de leur survie économique ! Rien de plus normal bien sûr, mais…que dirait on si le format de l’e-mail et son mode de diffusion était déterminé par des contraintes économiques ?
Utopie, tout cela ? Oui, bien sûr. Les tweets resteront la propriété de Twitter. Mais d’autres “concepts” sortiront. D’autres médias complèteront cette famille. Si on devait inventer l’e-mail demain, sur quoi le projet s’appuierait il ?